Lyon, ville assiégée (août-octobre 1793)
Le 17/03/2009
La montée des tensions
A Lyon, le 29 mai 1793, la modération l'emporte avec l'arrestation de Chalier (montagnard) et le retour des Rolandins (girondins) aux commandes de la ville. Quelques jours après, à Paris, l'inverse se produit. Les amis de Robespierre y triomphent et la Révolution se radicalise. Lyon se trouve alors associée malgré elle, au mouvement de protestation nationale contre le coup de force montagnard et parisien. L'ouest s'est déjà soulevé et par sa réputation de foyer royaliste, la capitale des Gaules inquiète. Sa proximité avec la frontière pourrait faciliter l'invasion des armées ennemies. La Convention accuse Lyon de vouloir rompre l'unité et l'indivisibilité de la République.
Pourtant dès le mois de juin, la municipalité lyonnaise proclame son attachement à la République. Mais républicain ne veut pas dire montagnard. Pour ajouter à la confusion, des royalistes comme Imbert-Colomès infiltrent les autorités lyonnaises. Celles-ci nomment le colonel Perrin de Précy (royaliste) pour assurer le commandement de l'armée lyonnaise. Ainsi, le soulèvement lyonnais louvoie entre républicanisme et royalisme. En tout cas, aux yeux du pouvoir central, Lyon est en train de devenir une nouvelle Vendée. Le 16 juillet, Chalier, le chef de file de la tendance exagérée lyonnaise est guillotiné (trois jours après la mort de Marat). C'en est trop, la Convention parisienne ordonne au général Kellermann, héros de Valmy, de marcher sur Lyon avec l'armée des Alpes. Dubois-Crancé, représentant en mission du Comité de Salut Public est envoyé sur les lieux.
Le siège
Lyon organise sa défense depuis la fin du mois de juin, récupère des vivres et des armes, rassemble des troupes départementales, 7500 hommes. Le colonel Agniel de Chénelette se charge de positionner en urgence des batteries d'artillerie. Il renforce les fortifications sur les collines et sur la rive gauche du Rhône, en particulier au bout du pont Morand. La ville ressemble à un camp retranché. Le 7 août 1793, les uniformes bleus des fantassins de la République apparaissent au nord de Lyon. Le siège dure deux mois.
On tire à boulets rouges sur la ville. Le 22 août, l'arsenal, dans de quartier d'Ainay, explose. Kellermann ne tarde pas à être remplacé par Doppet, jugé plus énergique. L'étau se resserre. 50 000 soldats encerclent la ville.
Petit à petit, ceux-ci arrivent à prendre position sur les collines qui dominent : à la Croix-Rousse, la Duchère, sur les hauteurs de Ste-Foy et de St-Just. Malgré l'action vigoureuse de Précy dans certains secteurs, la situation devient intenable : le manque de munitions, l'infériorité numérique, la disette poussent les assiégés à se rendre. Le baron de Précy réussit à fuir avec quelques soldats, par Vaise, le 9 octobre 1793.
La répression
La Convention à Paris déclare « tout ce qui fût habité par le riche sera démoli ; il ne restera que la maison du pauvre... Lyon fit la guerre à la liberté ; Lyon n'est plus » (décret du 12 octobre 1793).
Pour les lyonnais, une dure répression commence. Collot d'Herbois puis Fouché l'accentuent particulièrement. La guillotine est installée place des Terreaux. On mitraille dans la plaine des Brotteaux. Le bilan est lourd, 1893 exécutions, 1,5% de la population de la ville.
On organise méthodiquement la destruction de la ville avec la mise en place de brigades de démolisseurs. On détruit les remparts, le château de Pierre-Scize, les façades est et ouest de la place Bellecour. La « Grande Allée » (cours Vitton actuel) est rasée. 160 maisons sont rasées du pont de pierre au Bourgneuf (rive droite de la Saône) pour améliorer le passage des troupes. La statue de Louis XIV est fondue avec les cloches des églises pour en faire des canons. Beaucoup de ponts sont endommagés.
Entre 1793 et 1794 la ville de Lyon prend le nom de « Ville-affranchie », chef lieu d'un département dorénavant « croupion » (Rhône au lieu de Rhône-et-Loire). La ville est traumatisée, économiquement exsangue.
Un nouveau choix
Après la chute de Robespierre, Lyon reste sous surveillance et garde sa réputation de ville dangereuse. Elle est divisée en trois municipalités en 1795.
N'ayant plus rien à attendre du Directoire, menacée sans cesse par la terreur rouge ou blanche, la ville se tourne vers un régime moins républicain.
Le 13 octobre1799, la salle du théâtre des Célestins applaudit vivement le général Bonaparte qui revient d'Egypte et qui apparaît en habits civils. Ce général victorieux, ne peut-il pas rendre à la ville la prospérité qui fut la sienne ?
La ligue noire : chant de marche des lyonnais
I. Aujourd'hui la ligue noire
Vient se livrer à nos coups
Ami verse-nous à boire
Et la victoire est à nous.
Tripe-z-ieux, remplis mon verre
Le vin fait de bons guerriers
Bacchus mon dieu tutélaire
Arrosera nos lauriers.
II. Un plat bougre nous menace
La colère est sur son front
Crancé foutre quelle audace
Veut nous faire la leçon:
A nous, jour de Dieu, j'enrage
Nous, le fléau des pervers
Nous, dont le même courage
Se foutrait de l'univers.
III. Verse donc, cher camarade
De soif tu me fais languir
Verse encore une rasade
Et je veux vaincre ou mourir.
J'en veux foutre cent par terre
Et de sang tout inonder
Oui, je veux dans la poussière
Rouler Albite et Crancé.
IV. Peut-être qu'au sein de la gloire
Un foutu morceau de plomb
M'enverra sur l'onde noire
Vers ce bougre de Caron
Content, je perdrai la vie,
Je m'en fous, j'aurais vaincu
Quand on meurt pour la Patrie
N'a-t-on pas assez vécu?
V. Femme, nargue le veuvage
Quand j'aurai rendu l'esprit
Dis-moi, foutre, est-on moins sage
Quand on n'a pas de mari?
Mais, garde-toi qu'un faux frère
Te fasse jamais la cour
Celui qui tremble à la guerre
N'est qu'un jean-foutre en amour.
VI. Gauthier, scélérat perfide,
Assassin des lyonnais
Et toi, Crancé parricide
L'horreur de tous les français
Ambitieux et sanguinaires,
Les lyonnais sont tous prêts
Ils embrasseront leurs frères
Mais puniront vos forfaits.
VII. Précy conduit nos phalanges,
Les lauriers seront pour nous,
Et du Rhône jusqu'au Gange
On dira que sous nos coups
Des envoyés sanguinaires
Ont vu de près nos remparts,
Une famille de frères
Qui a pour père le dieu Mars;
VIII. La liberté, la patrie
Voilà le vœu de nos cœurs
Pour cette muse chérie
Nous jurons d'être vainqueurs:
C'en est fait, la canon gronde
Nous ne voulons plus de paix
Que tous les brigands du monde
Soient aux pieds des lyonnais.
IX. J'entends une canonnade
Vite, allons à l'ennemi;
Mais avant, une rasade
A la santé de Précy.
Son nom qu'annonce la gloire
Seul fait trembler Montessuy;
On est sûr de la victoire
Quand on combat avec lui.
X. Tout l'univers nous contemple
Amis, frappons-en plus fort.
Au monde, donnons l'exemple,
Aux brigands donnons la mort.
Canonniers, brûlez l'amorce,
Redoublons tous nos efforts;
Faisons-leur entrer par force
La vérité dans le corps.
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